DPC : Une déclaration de guerre contre le service public communal

La majorité communale MR-Engagés de Braine-le-Comte a publié1 en fanfare sa « Déclaration de Politique Communale 2025-2030 » (DPC), autrement dit sa « feuille de route » pour la gestion de la Ville pour les 5 prochaines années. Malgré les phrases ronflantes et stéréotypées sur « notre vision d’un avenir ambitieux », pour « une ville qui s’adapte aux défis de demain », « forte, ouverte et innovante », la réalité concrète est à des années-lumières de ces belles intentions.

Cette DPC ne répond déjà absolument pas aux véritables défis du moment (défi climatique, logement, constructions, emploi, pouvoir de vivre2) qui frappent de plein fouet la population et la Ville. Non seulement elle n’aborde pratiquement pas ou mal ces défis, mais elle vise à saper les outils essentiels pour y répondre que sont les services publics communaux, puisqu’elle traduit en réalité une vision idéologique typique de la droite néo-libérale.

La stratégie néolibérale face aux services publics a toujours été la même partout ; laisser ces services se dégrader en n’y investissant plus assez de moyens et de personnel au nom de l’austérité pour ensuite déplorer ou dénoncer leur « inefficacité » afin de les sous-traiter/privatiser, de nouer des « partenariats publics-privés », voire de les supprimer purement et simplement.

Rappelons qu’à Braine-le-Comte la majorité MR-PS avait déjà privatisé une série de services tels que le nettoyage des écoles communales ; la collecte des déchets ménagers ; la gestion des salaires du personnel communal ; la gestion des publicités dans le bulletin communal ou encore la gestion du stationnement urbain.

Dans cette politique de détricotage des services publics communaux, il faut citer aussi la toute récente disparition de la Maison des jeunes et la perte de 3 emplois communaux à la suite d’une gestion (volontairement) désastreuse de ses problèmes par les politiques. Qu’à cela ne tienne, la DPC prévoit la création d’un fumeux « pôle jeunesse en rassemblant les forces existantes »… autrement dit en faisant des économies de personnel par des « synergies ».

La majorité communale veut aussi clairement accélérer le développement des « partenariats privé-public » (PPP), qui ne sont qu’une forme de privatisation à peine déguisée, et dont tous les exemples démontrent que le public y est toujours le dindon de la farce en termes de coût, de qualité du service et d’accès démocratique.

Rappelons que c’est déjà le cas chez nous avec la piscine. Là aussi, les autorités ont laissé se délabrer l’ancienne piscine communale au point de devoir la fermer pour ensuite en reconstruire une nouvelle à grands frais, provoquant un endettement colossal qui a plongé depuis 10 ans les finances sous tutelle du CRAC (Centre régional d’Aide aux Communes). La gestion de cette nouvelle piscine a été confiée à une entreprise privée, avec comme conséquence que les prix d’entrée n’ont cessé d’augmenter et que l’écrasante majorité des profits va dans la poche de Sportoase (et donc dans celle de la multinationale Engie, l’autre actionnaire) et non dans les caisses communales !

La DPC veut donc poursuivre cette politique funeste des « PPP », notamment en ce qui concerne le patrimoine : « Des partenariats public-privé seront initiés pour réhabiliter et redonner vie à des sites emblématiques » [comme les Dominicains] ou encore… la culture : « en recherchant systématiquement les partenariats (voire les financements) avec le privé »… À quand la « Fête du terroir » sponsorisée par Coca-Cola ?

Crédit Photo : Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas

Faire plus avec moins ?

La majorité parle de « continuité et de rupture » dans sa politique et c’est effectivement le cas ; continuité dans toutes ces privatisations ou disparition des services publics communaux et rupture car, avec les différentes mesures d’austérité décidées par les gouvernements MR-Engagés à la Région wallonne et au fédéral, les moyens financiers communaux vont se réduire à peu de chagrin… Il s’agit donc de s’y adapter (et surtout pas de remettre ces mesures en question !) en accélérant le démantèlement de ces mêmes services communaux et en faisant des économies sur le dos de leur personnel.

Toute la philosophie de la DPC est bien résumée par son mot d’ordre le plus absurde et orwellien qui soit : « faire plus avec moins ». Or toute personne saine d’esprit sait qu’avec moins (moins de moyens, moins de personnel) on ne fait jamais plus, on fait toujours moins.

Dans une interview, le bourgmestre annonce la couleur en mode Elon Musk et empoigne sa petite tronçonneuse : « Le monde évolue. Il faut arrêter le « on a toujours fait comme ça ». Nous entamons une énorme réflexion, sans œillères, sur l’économie, le tourisme, la culture, l’événementiel. Nous avons plein d’opérateurs [communaux, ndlr] qui font plein de petites animations dans leur coin [sic], qui parfois coûtent cher pour un rendu assez minime. On va supprimer tout cela. Des structures pourraient disparaître ou être réorganisées3. »

Sous prétexte « d’efficacité », on avance en réalité l’agenda idéologique de la droite qui vise à démolir ce qui fait l’essence du service public : rendre un service ou un droit universel (c’est-à-dire accessible à tous) sans qu’il soit freiné par l’impératif du profit à court terme ou de la rentabilité, puisque tel n’est pas son but.

Bon nombre de services communaux sont donc dans le collimateur. La DPC parle ainsi de « La réforme des outils communaux existants tels que l’ADL et l’Office du Tourisme [qui] permettra leur liberté d’action et leur efficacité ».

Elle évoque aussi « la bibliothèque et la ludothèque [qui] seront toutes les deux adaptées à la société d’aujourd’hui ». S’agit-il de dire qu’elles ne le sont pas ? Qu’il faut faire en sorte qu’elles s’adaptent à la vision de la société portée la majorité actuelle où tout est vu sous l’angle de la rentabilité et où les citoyens ne sont plus que des « clients » et des « consommateurs » et non des « usagers » dont on veut satisfaire un droit et éveiller l’esprit critique ? La récente décision de la majorité MR-Engagés de doubler les amendes de retard, ce qui impactera durement les jeunes et les publics précaires, permet d’y répondre.

Développer le travail précaire et dégrader les conditions de travail

Plutôt que de conserver et créer des emplois publics de qualité, la majorité veut en réalité les remplacer par des emplois précaires effectués par des allocataires sociaux (« articles 60 » du CPAS), « consommables », peu qualifiés et sous-payés (et donc parfois peu motivés). On parle d’instaurer « une structure d’économie sociale » [sic] dont le but est de remplacer une série de services assumés (ou plus du tout assumés) aujourd’hui par des agents communaux comme le transport des personnes âgées (le « taxi social »), le nettoyage des tombes ou encore l’entretien des quartiers, notamment en instaurant « un système de cantonniers attribuant à chaque quartier une personne responsable de son entretien (…)» ! À noter également que la commune engage désormais des étudiants non plus seulement pour la période des grandes vacances, mais aussi pour des contrats à l’année !

Dans le même ordre d’idée, la majorité se vante d’aider le monde associatif local pour les événements festifs en mettant gratuitement à sa disposition le matériel communal (barrières nadar, tables, bancs, etc.). Cela paraît sympathique, mais le « hic » c’est que ce matériel était jusqu’ici transporté et installé par du personnel communal : dorénavant ce sont les gens eux-mêmes qui vont devoir aller le chercher et l’installer par leurs propres moyens… s’ils en sont capables ! « L’idée est de faciliter les initiatives plutôt que d’organiser les choses à leur place » ose commenter hypocritement le bourgmestre, alors qu’en parallèle les subsides à l’associatif sont rabotés4 !

Dans son interview, le bourgmestre assure que la « réorganisation » des services publics communaux se fera « sans pertes d’emploi. » On nous permettra d’affirmer que c’est un mensonge. Car s’il ne s’agit pas (à ce stade?) de licencier directement du personnel, il est bel est bien question de ne pas remplacer tous les départs (à la retraite ou autre), ce qui équivaut au final à des pertes sèches d’emploi. Rappelons qu’on détruit ainsi des débouchés d’emplois potentiels pour la jeunesse locale, qui devra sans doute se contenter d’un job précaire à la « structure d’économie sociale »… ou au futur Burger King brainois, tant vanté par le bourgmestre5.

Dans la DPC, on évoque enfin « une nouvelle stratégie des ressources humaines [qui] sera mise en place pour améliorer le fonctionnement de l’administration communale » Traduction : puisqu’il faudra « faire plus avec moins » de moyens et de personnel, il s’agira de pressurer comme des citrons les agents communaux, de demander à un employé ou à un ouvrier de faire le travail fait hier par 2 ou 3 collègues non remplacés (et pour le même salaire, voir avec un salaire moindre puisque tous les contrats de travail sont actuellement scrutés à la loupe dans ce sens !) et ensuite de serrer la vis face à l’augmentation des burn-out ou des congés-maladies qui vont inévitablement exploser à la suite d’une telle pression au rendement. Gageons que le personnel communal ne se laissera pas faire…

Bref, on l’aura compris, loin de « lever des tabous » ou de se montrer « créative » et « inventive » pour s’« adapter au monde moderne », par ses dogmes idéologiques de droite, la majorité veut accentuer les mêmes recettes éculées qui depuis 40 ans détruisent à petit feu le lien social dans nos sociétés, ouvrent la voie aux idées d’extrême droite et nous font régresser directement vers le capitalisme du XIXe siècle. Le projet porté par la majorité MR-Engagés à Braine est ainsi au diapason de celui du gouvernement wallon et du gouvernement fédéral Arizona : celui d’une formidable entreprise de destruction des services publics ; d’attaques contre les travailleurs ; de déni de la catastrophe climatique et de l’effondrement de la biodiversité et d’une explosion des inégalités et des injustices sociales.

PPP : Késako?

Un partenariat privé-public signifie qu’un organisme public associe une entreprise du secteur privé à la conception, à la réalisation et à l’exploitation d’une infrastructure ou d’un service publique. Cet arrangement est habituellement officialisé par un contrat qui précise, entre autres, la nature du service, la durée de l’offre, les risques et les frais que chaque partie prendront en charge. Puisque l’objet d’une entreprise privée est de faire du profit et non de répondre à un besoin social ou à un droit, les PPP impliquent donc souvent une augmentation des frais pour les usagers. La prétendue plus grande efficacité du secteur privée par rapport au public est également un mythe : pour faire des économies, les entreprises privées rognent par exemple sur les dépenses de sécurité des installations ou des employé.e.s. Présentés aussi comme une « solution » permettant de faire des économies, les PPP sont en réalité à long terme plus coûteux qu’un projet équivalent directement financé par la collectivité publique. D’autant que les profits générés vont essentiellement dans la poche du privé et non du public, qui voit ainsi ses rentrées diminuer.

  1. https://www.braine-le-comte.be/administration/vie-politique/conseil-communal/declaration-de-politique-communale-2024-2030 ↩︎
  2. Le terme de « pouvoir d’achat » place le travailleur comme un consommateur et non comme un citoyen dont il faut garantir l’accès à des droits sociaux, culturels, écologiques ou de santé de qualité, ce que recouvre mieux le terme de « pouvoir de vivre ». ↩︎
  3. La Nouvelle Gazette, 28 janvier 2025, p. 10. ↩︎
  4. La Nouvelle Gazette, 28 janvier 2025, p. 10. Ce sera aussi le cas du montant alloué au « budget participatif » (qui n’est en réalité ni un budget, ni participatif) puisqu’il tombe à 20.000 euros, alors que les montants précédents n’étaient déjà pas bien grands (30 à 50.000 euros). Le budget communal tournant autour de 30 millions d’euros, le prétendu « budget participatif » n’en représente donc que… 0,7 % ! De qui se moque-t-on ? ↩︎
  5. La Nouvelle Gazette, 31 janvier 2025, p. 3. ↩︎